Prérequis
Résumé
Nous voyons dans ce chapitre l'inégalité de Cauchy-Schwarz ainsi que l'inégalité triangulaire. Elles ont la particularité d'avoir une signification vectorielle, c'est-à-dire géométrique. L'inégalité de Cauchy-Schwarz est particulièrement connue et se rencontre dans de nombreux domaines.
Ce chapitre a été
écrit par B. Legat et N. Radu et
mis en ligne le 8 décembre 2014.
1. Inégalité de Cauchy-Schwarz
L'inégalité de Cauchy-Schwarz est l'inégalité remarquable suivante.
Inégalité de Cauchy-Schwarz
Soient $a_1, \ldots, a_n \in \mathbb{R}$ et $b_1, \ldots, b_n \in \mathbb{R}$. On a l'inégalité
$$(a_1b_1 + \ldots + a_nb_n)^2 \leq \left(a_1^2 + \ldots + a_n^2\right)\cdot\left(b_1^2 + \ldots + b_n^2\right),$$ ce qui s'écrit aussi, à l'aide du signe somme,
$$\left(\sum_{i=1}^n a_i b_i\right)^2 \leq
\left(\sum_{i=1}^n a_i^2\right) \cdot
\left(\sum_{i=1}^n b_i^2\right).$$ De plus, l'égalité a lieu si et seulement si les vecteurs $(a_1, \ldots, a_n)$ et $(b_1, \ldots, b_n)$ sont proportionnels, c'est-à-dire si $a_i = 0$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$ ou s'il existe $\lambda \in \mathbb{R}$ tel que $b_i = \lambda a_i$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$.
Cette inégalité est parfois mieux connue sous la forme suivante (que l'on obtient en prenant la racine carrée de chaque membre) :
$$\left|\sum_{i=1}^n a_i b_i\right| \leq
\sqrt{\sum_{i=1}^n a_i^2} \cdot
\sqrt{\sum_{i=1}^n b_i^2},$$ qui est bien sûr également vraie en supprimant les valeurs absolues puisque $x \leq |x|$ pour tout $x \in \mathbb{R}$.
Démonstration
On remarque que l'inégalité de Cauchy-Schwarz peut se réécrire
$$\left(2\sum_{i=1}^n a_i b_i\right)^2 - 4
\left(\sum_{i=1}^n a_i^2\right) \cdot
\left(\sum_{i=1}^n b_i^2\right) \leq 0$$ Cela ressemble à la condition "$b^2-4ac \leq 0$" apparaissant dans l'étude du signe d'un polynôme $ax^2 + bx + c$. Ici, le polynôme correspondant est alors
$$P(x) = \left(\sum_{i=1}^n a_i^2\right) x^2 + \left(2\sum_{i=1}^n a_ib_i\right) x + \left(\sum_{i=1}^n b_i^2\right).$$ Si les $a_i$ sont tous nuls, alors l'inégalité de Cauchy-Schwarz est trivialement vérifiée (et on a même l'égalité). On peut donc à présent supposer qu'ils ne sont pas tous nuls de sorte que $P$ soit bien un polynôme du second degré (le coefficient $\displaystyle\left(\sum_{i=1}^n a_i^2\right)$ de $x^2$ est dans ce cas non-nul).
Comme nous l'avons vu, l'inégalité de Cauchy-Schwarz sera vérifiée si et seulement si le polynôme $P(x)$ est du signe de $\displaystyle\left(\sum_{i=1}^n a_i^2\right)$, c'est-à-dire positif, pour tout $x \in \mathbb{R}$. Or, on remarque qu'on a justement
$$\begin{align}
P(x) & = \sum_{i=1}^n \left(a_i^2 x^2 + 2a_ib_i x + b_i^2\right)\\
& = \sum_{i=1}^n \left(a_i x + b_i\right)^2 \geq 0,
\end{align}$$ ce qui signifie que l'inégalité de Cauchy-Schwarz est bel et bien vérifiée.
Enfin, on aura l'égalité si et seulement si les $a_i$ sont tous nuls (comme nous l'avons déjà vu) ou si "$b^2 - 4ac = 0$", c'est-à-dire s'il existe un certain $x \in \mathbb{R}$ tel que $P(x) = 0$. Cela est équivalent à dire que $a_i x + b_i = 0$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$, ou encore que $b_i = - x a_i$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$. En posant $\lambda = -x$, on a bien le cas d'égalité annoncé.
Interprétation géométrique
Il existe en fait une intuition géométrique derrière l'inégalité de Cauchy-Schwarz. En effet, pour $n = 2$ et $n = 3$ (cela se généralise en fait pour tout $n \in \mathbb{N}$, quoique cela soit moins intuitif), l'expression $\displaystyle\sqrt{\sum_{i=1}^n a_i^2}$ est la norme $\|\vec{a}\|$ du vecteur $\vec{a} = (a_1, \ldots, a_n)$. D'autre part, l'expression $\displaystyle\sum_{i=1}^n a_i b_i$ est le produit scalaire $\vec{a} \cdot \vec{b}$ des deux vecteurs $\vec{a} = (a_1, \ldots, a_n)$ et $\vec{b} = (b_1, \ldots, b_n)$. Cela signifie que l'inégalité de Cauchy-Schwarz se réécrit en fait simplement
$$|\vec{a} \cdot \vec{b}| \leq \|\vec{a}\| \cdot \|\vec{b}\|,$$ et que l'égalité a lieu si et seulement si les vecteurs $\vec{a}$ et $\vec{b}$ sont parallèles.
En plus de donner une intuition géométrique, cette constatation permet de retenir assez facilement l'inégalité de Cauchy-Schwarz.
2. Inégalité des mauvais élèves
L'inégalité suivante est un corollaire relativement connu de l'inégalité de Cauchy-Schwarz.
Inégalité des mauvais élèves
Soient $a_1, \ldots, a_n \in \mathbb R$ et $b_1, \ldots, b_n \in \mathbb R_0^+$. On a l'inégalité
$$\frac{(a_1+\ldots+a_n)^2}{b_1+\ldots+b_n} \le \frac{a_1^2}{b_1} + \ldots + \frac{a_n^2}{b_n}.$$ L'égalité a lieu si et seulement si les vecteurs $(a_1, \ldots, a_n)$ et $(b_1, \ldots, b_n)$ sont proportionnels, c'est-à-dire s'il existe $\lambda \in \mathbb R$ tel que $a_i = \lambda b_i$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$.
Démonstration
Posons $A_i = \frac{a_i}{\sqrt{b_i}}$ et $B_i = \sqrt{b_i}$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$, et appliquons l'inégalité de Cauchy-Schwarz à $(A_1, \ldots, A_n)$ et $(B_1, \ldots, B_n)$. Vu que $A_iB_i = a_i$, on obtient directement que
$$(a_1+\ldots+a_n)^2 \le \left(\frac{a_1^2}{b_i}+\ldots+\frac{a_n^2}{b_n}\right)\cdot (b_1+\ldots+b_n)$$ et il suffit de diviser les deux membres par $b_1+\ldots+b_n > 0$ pour obtenir l'inégalité souhaitée.
L'égalité a lieu dans l'inégalité de Cauchy-Schwarz si et seulement si les vecteurs $(A_1, \ldots, A_n)$ et $(B_1, \ldots, B_n)$ sont proportionnels, ce qui revient à dire qu'il existe $\lambda \in \mathbb R$ tel que $A_i = \lambda B_i$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$ (car les $B_i$ ne sont ici jamais nuls). Autrement dit, on doit avoir $\frac{a_i}{\sqrt{b_i}} = \lambda \sqrt{b_i}$, ou encore $a_i = \lambda b_i$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$.
L'origine du nom de cette inégalité n'est pas très claire, mais une façon de le voir est de se dire qu'un élève qui ferait des opérations de mise au carré, quotient et somme dans un mauvais ordre (en effectuant la somme avant la mise au carré et le quotient) obtiendrait un résultat plus petit qu'attendu.
3. Inégalité triangulaire
L'inégalité triangulaire est, tout comme l'inégalité de Cauchy-Schwarz, une inégalité remarquable possédant une interprétation géométrique.
Inégalité triangulaire
Soient $a_1, \ldots, a_n \in \mathbb{R}$ et $b_1, \ldots, b_n \in \mathbb{R}$. On a l'inégalité
$$\sqrt{ (a_1+b_1)^2 + \ldots + (a_n+b_n)^2 } \leq \sqrt{a_1^2 + \ldots + a_n^2} + \sqrt{b_1^2 + \ldots + b_n^2},$$ ce qui s'écrit aussi, à l'aide du signe somme,
$$\sqrt{\sum_{i=1}^n (a_i + b_i)^2} \leq \sqrt{\sum_{i=1}^n a_i^2} + \sqrt{\sum_{i=1}^n b_i^2}.$$ De plus, l'égalité a lieu si et seulement si $a_i = 0$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$ ou s'il existe $\lambda \in \mathbb{R}^+$ tel que $b_i = \lambda a_i$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$.
Pour $n = 1$, l'inégalité triangulaire s'écrit simplement
$$|a+b| \leq |a| + |b|.$$ Cette version simplifiée peut s'avérer utile dans beaucoup de raisonnements.
Démonstration
La fonction $f : t \mapsto t^2$ étant strictement croissante, on peut élever les deux membres de l'inégalité triangulaire désirée au carré pour obtenir une inégalité équivalente. On doit donc prouver que
$$\sum_{i=1}^n (a_i + b_i)^2 \leq \sum_{i=1}^n a_i^2 + \sum_{i=1}^n b_i^2 + 2\sqrt{\sum_{i=1}^n a_i^2}\sqrt{\sum_{i=1}^n b_i^2}.$$ Comme $\displaystyle\sum_{i=1}^n (a_i + b_i)^2 = \sum_{i=1}^n a_i^2 + \sum_{i=1}^n b_i^2 + 2\sum_{i=1}^n a_i b_i$, cette inégalité est elle-même équivalente à
$$\sum_{i=1}^n a_i b_i \leq \sqrt{\sum_{i=1}^n a_i^2}\sqrt{\sum_{i=1}^n b_i^2},$$ qui est toujours vraie puisque
$$\sum_{i=1}^n a_i b_i \leq \left|\sum_{i=1}^n a_i b_i\right| \leq \sqrt{\sum_{i=1}^n a_i^2}\sqrt{\sum_{i=1}^n b_i^2}$$ par l'inégalité de Cauchy-Schwarz.
Finalement, on a l'égalité si et seulement si $\displaystyle\sum_{i=1}^n a_i b_i$ est positif et si on a l'égalité dans Cauchy-Schwarz. On sait que cette dernière a lieu lorsque les $a_i$ sont tous nuls ou quand il existe $\lambda \in \mathbb{R}$ tel que $b_i = \lambda a_i$ pour tout $i \in \{1, \ldots, n\}$. Pour que $\displaystyle\sum_{i=1}^n a_i b_i \geq 0$, il faut que $\lambda$ soit positif, ce qui explique le cas d'égalité annoncé.
Interprétation géométrique
À nouveau, on peut avoir une intuition géométrique de cette inégalité, principalement lorsque $n = 2$ ou $n = 3$. En effet, celle-ci s'écrit
$$\|\vec{a}+\vec{b}\| \leq \|\vec{a}\| + \|\vec{b}\|$$ où $\vec{a} = (a_1, \ldots, a_n)$ et $\vec{b} = (b_1, \ldots, b_n)$ sont des vecteurs de $\mathbb{R}^n$. Aussi, l'égalité a lieu si et seulement si les deux vecteurs $\vec{a}$ et $\vec{b}$ sont parallèles et dans le même sens (car $\lambda$ doit être positif).
On peut par ailleurs facilement comprendre pourquoi cette inégalité s'appelle
inégalité triangulaire. En effet, si on considère un triangle $ABC$, on peut considérer $\vec{a} = \vec{AB}$ et $\vec{b} = \vec{BC}$. On a alors $\vec{a} + \vec{b} = \vec{AB} + \vec{BC} = \vec{AC}$ et l'inégalité triangulaire s'écrit dans ce cas
$$\| \vec{AC} \| \leq \| \vec{AB} \| + \| \vec{BC} \|.$$ Elle signifie donc que dans tout triangle, la longueur d'un côté est toujours inférieure ou égale à la somme des longueurs des deux autres côtés.