Théorie > Inégalités > Inégalités de Muirhead et de Schur

Inégalité de Muirhead

Pour énoncer l'inégalité de Muirhead, le plus simple est de commencer par définir la notion de $p$-moyenne.

Les $p$-moyennes

Définition
Soit $p = (p_1,\ldots,p_n) \in \mathbb{R}^n$ un $n$-uple de réels quelconques. Étant donnés $n$ nombres réels strictement positifs $x_1, \ldots, x_n$, on définit la $p$-moyenne des $x_i$ comme
$$[p]_x = \frac{1}{n!} \sum_{\sigma \in \mathrm{Sym}(n)}x_{\sigma(1)}^{p_1}\cdot x_{\sigma(2)}^{p_2} \cdot \ldots \cdot x_{\sigma(n)}^{p_n},$$ où $\mathrm{Sym}(n)$ désigne l'ensemble de toutes les permutations possibles de $\{1,\ldots,n\}$. On écrira parfois $[p]$ plutôt que $[p]_x$ lorsque les variables sont sous-entendues.

Par exemple, pour $p = (3,2,1)$, on a
$$[p]_{(a,b,c)} = \frac{a^3 b^2 c + a^3 b c^2 + a^2 b^3 c + a^2 b c^3 + a b^2 c^3 + a b^3 c^2}{6}.$$
Les moyennes arithmétiques et géométriques sont en fait des cas particuliers des $p$-moyennes. En effet, on a
$$\begin{align}
\left[(1,0,\ldots, 0)\right]_x &= \frac{1}{n!} \sum_{\sigma \in \mathrm{Sym}(n)} x_{\sigma(1)} \cdot 1 \cdot \ldots \cdot 1\\[2mm]
& = \frac{x_1+\ldots+x_n}{n},
\end{align}$$ c'est-à-dire la moyenne arithmétique, et
$$\begin{align}
\left[\left(\frac{1}{n},\frac{1}{n},\ldots, \frac{1}{n}\right)\right]_x &= \frac{1}{n!} \sum_{\sigma \in \mathrm{Sym}(n)} x_{\sigma(1)}^\frac{1}{n} \cdot x_{\sigma(2)}^\frac{1}{n} \cdot \ldots \cdot x_{\sigma(n)}^\frac{1}{n}\\[2mm]
& = \sqrt[n]{x_1x_2\ldots x_n},
\end{align}$$ c'est-à-dire la moyenne géométrique.

Inégalité de Muirhead

Un peu comme les inégalités sur les moyennes (harmonique, géométrique, arithmétique et quadratique), l'inégalité de Muirhead permet de comparer différentes $p$-moyennes de plusieurs nombres.

On se concentre pour cela sur l'ensemble $P \subset \mathbb{R}^n$ des $n$-uples décroissants, c'est-à-dire des $n$-uples $p = (p_1,\ldots,p_n)$ tels que $p_1 \geq p_2 \geq \ldots \geq p_n$. On dit alors que le $n$-uple $(p_1, \ldots, p_n) \in P$ majore le $n$-uple $(q_1, \ldots, q_n) \in P$, ce que l'on note
$$(p_1,\ldots,p_n) \succ (q_1,\ldots,q_n)$$ si les conditions suivantes sont satisfaites :
  1. Pour tout $1 \leq i < n$, on a $p_1 + p_2 + \ldots + p_i \geq q_1 + q_2 + \ldots + q_i$;
  2. $p_1 + p_2 + \ldots + p_n = q_1 + q_2 + \ldots + q_n$.
Par exemple, on a $(5,2,1) \succ (3,3,2)$ puisque $5 \geq 3$, $5+2 \geq 3+3$ et $5+2+1 = 3+3+2$.

On peut maintenant énoncer l'inégalité de Muirhead :

Inégalité de Muirhead
Soient $p = (p_1,\ldots,p_n)$ et $q = (q_1,\ldots,q_n)$ deux $n$-uples décroissants de nombres réels. Si $p \succ q$, alors pour tous réels strictement positifs $x_1, \ldots, x_n$, on a
$$[p]_x \geq [q]_x.$$ De plus, si $p \neq q$, alors le cas d'égalité se produit si et seulement si $x_1 = x_2 = \ldots = x_n$.

Remarque
L'inégalité de Muirhead est également vraie pour $x_1, \ldots, x_n$ positifs ou nuls, pourvu qu'aucun des $p_1, \ldots, p_n, q_1, \ldots, q_n$ ne soit négatif. On ne peut en effet pas mettre $0$ à une puissance négative. (On considèrera que $0^0 = 1$ si certains des exposants $p_1, \ldots, p_n, q_1, \ldots, q_n$ sont nuls). Notons toutefois que le cas d'égalité n'est plus simplement $x_1 = x_2 = \ldots = x_n$ lorsqu'on autorise les variables à être nulles, puisqu'une seule variable nulle peut parfois rendre les $p$-moyennes et $q$-moyennes égales à $0$.

Remarquons que $\displaystyle \left(\frac{1}{n}, \ldots, \frac{1}{n}\right) \prec (1,0,\ldots, 0)$, donc avec l'inégalité de Muirhead on retrouve que la moyenne géométrique de plusieurs nombres est toujours inférieure ou égale à leur moyenne arithmétique.