Prérequis
Résumé
Les inégalités des moyennes, précédemment présentées, peuvent être généralisées de deux manières. La première consiste à voir les $4$ moyennes habituelles comme des cas particuliers de moyennes dépendant d'un paramètre réel $p$, appelées moyennes généralisées. L'inégalité des moyennes se réécrit alors en termes du paramètre $p$, ce qui nous donne une classe infinie de nouvelles inégalités. Il est aussi possible de généraliser les moyennes en rajoutant des pondérations : on parle alors de moyennes pondérées.
Ce chapitre a été
écrit par B. Legat et N. Radu et
mis en ligne le 8 décembre 2014.
1. Moyennes généralisées
Remarquons que les moyennes que nous avons vues pour le moment ont des formes assez semblables, à l'exception de la moyenne géométrique. En effet, les moyennes harmoniques, arithmétiques et quadratiques ont la forme
$$\left(\frac{1}{n}\sum_{i=1}^n a_i^p\right)^{\frac{1}{p}}$$ avec $p = -1, 1$ et $2$ respectivement. On remarque aussi que l'ordre des moyennes, donné par les inégalités des moyennes, est le même que celui des différentes valeurs de $p$.
L'idée des moyennes généralisées est alors de permettre à $p$ dans la formule précédente de prendre n'importe quelle valeur réelle. Cela n'est juste pas possible pour $p = 0$, mais par chance, la moyenne géométrique semble justement au vu des inégalités des moyennes être plus grande que les moyennes avec $p < 0$ et plus petite que celles avec $p > 0$. On définit donc, sur base de ces constatations,
$$M_p\{a_i\} = \left\{ \begin{array}{cl}
\left(\prod_{i=1}^n a_i\right)^{\frac{1}{n}} & \text{si } p = 0,\\
\left(\frac{1}{n}\sum_{i=1}^na_i^p\right)^{\frac{1}{p}} & \text{si } p \neq 0.
\end{array} \right.$$ On a alors l'inégalité des moyennes généralisées, comme on le pressentait :
Inégalité des moyennes généralisées
Si $p, q \in \mathbb{R}$ sont tels que $p < q$, alors pour tous réels strictement positifs $a_1, \ldots, a_n$ on a
$$M_p\{a_i\} \leq M_q\{a_i\}.$$ L'égalité a lieu si et seulement si $a_1 = \ldots = a_n$.
Nous verrons dans le point théorique suivant les moyennes pondérées et les inégalités les concernant. Elles seront encore plus générales que celles-ci, et nous en donnerons la démonstration.
2. Moyennes pondérées
Nous n'avons pour l'instant considéré que des moyennes sans pondération, au sens où chaque élément a la même importance au moment du calcul de la moyenne. Nous introduisons à présent les moyennes
pondérées, qui consistent justement à donner une importance différente à chaque élément.
On définit donc, pour $p \in \mathbb{R}$ et $\lambda_1, \ldots, \lambda_n \in \mathbb{R}_0^+$ tels que $\lambda_1+\ldots+\lambda_n = 1$, la moyenne de paramètre $p$ pondérée par $\lambda_1, \ldots , \lambda_n$ par
$$P_p(\{a_i\},\{\lambda_i\}) = \left\{\begin{array}{cl}
\prod_{i=1}^n a_i^{\lambda_i}& \text{si } p = 0,\\
\left(\sum_{i=1}^n \lambda_i a_i^p\right)^{\frac{1}{p}} & \text{si } p \neq 0.
\end{array}\right.$$
Remarque : Il s'agit bien d'une généralisation des moyennes non pondérées, puisque pour $\lambda_1 = \ldots = \lambda_n = \frac{1}{n}$ on retrouve bien
$$P_p(\{a_i\}, \{\lambda_i\}) = M_p\{a_i\}.$$ On a alors aussi l'inégalité des moyennes pondérées généralisées :
Inégalité des moyennes pondérées généralisées
Si $p, q \in \mathbb{R}$ sont tels que $p < q$ et si $\lambda_1, \ldots, \lambda_n \in \mathbb{R}_0^+$ vérifient $\lambda_1 + \ldots + \lambda_n = 1$, alors pour tous réels strictement positifs $a_1, \ldots, a_n$ on a
$$P_p(\{a_i\},\{\lambda_i\}) \leq P_q(\{a_i\},\{\lambda_i\}).$$ L'égalité a lieu si et seulement si $a_1 = \ldots = a_n$.
Démonstration
On effectue la démonstration en distinguant les différents signes possibles pour $p$ et $q$ :
- Commençons par le cas où $p$ et $q$ sont non-nuls et de même signe. On doit montrer que si $p < q$, alors
$$\left(\sum_{i=1}^n \lambda_i a_i^p\right)^{\frac{1}{p}} \leq \left(\sum_{i=1}^n \lambda_i a_i^q\right)^{\frac{1}{q}}.$$ On peut réécrire cette inégalité comme
$$\left(\sum_{i=1}^n \lambda_i a_i^p\right)^{\frac{1}{p}} \leq \left(\sum_{i=1}^n \lambda_i (a_i^p)^{\frac{q}{p}}\right)^{\frac{1}{q}}.$$
- Si $0 < p < q$, la fonction $x \mapsto x^q$ est strictement croissante et c'est équivalent à
$$\left(\sum_{i=1}^n \lambda_i a_i^p\right)^{\frac{q}{p}} \leq \sum_{i=1}^n \lambda_i (a_i^p)^{\frac{q}{p}}.$$ On peut alors conclure par Jensen car $\frac{q}{p} > 1$ et la fonction $x \mapsto x^\frac{q}{p}$ est donc convexe sur $\mathbb{R}_0^+$.
- Si $p < q < 0$, la fonction $x \mapsto x^q$ est cette-fois strictement décroissante et on est ramenés à montrer que
$$\left(\sum_{i=1}^n \lambda_i a_i^p\right)^{\frac{q}{p}} \geq \sum_{i=1}^n \lambda_i (a_i^p)^{\frac{q}{p}}.$$ On peut à nouveau conclure par Jensen comme on a dans ce cas $0 < \frac{q}{p} < 1$ et la fonction $x \mapsto x^\frac{q}{p}$ est alors concave sur $\mathbb{R}_0^+$.
- Traitons à présent le cas où $p = 0$ et $q > 0$. Il faut prouver que
$$\prod_{i=1}^n a_i^{\lambda_i} \leq \left(\sum_{i=1}^n \lambda_i a_i^q\right)^{1/q},$$ ce qui est équivalent à
$$\prod_{i=1}^n a_i^{q\lambda_i} \leq \sum_{i=1}^n \lambda_i a_i^q.$$ Comme les deux membres sont strictement positifs et vu que la fonction $x \mapsto \ln(x)$ est strictement croissante, on peut l'appliquer à chacun des deux membres pour se ramener à
$$\sum_{i=1}^n \lambda_i\ln(a_i^{q}) \leq \ln\left(\sum_{i=1}^n \lambda_i a_i^q\right),$$ ce qui est vrai par Jensen car la fonction logarithme est concave sur $\mathbb{R}_0^+$.
- Si $p < 0$ et $q = 0$, le raisonnement est identique à celui du point précédent, mis à part que l'inégalité change de signe lorsqu'on élève les deux membres à la puissance $p$.
- Le cas où $p < 0$ et $q > 0$ découle quant à lui des deux cas précédents.